Robot majordome

Bien nourrir les maîtres

Robot majordomeHier soir, j’ai téléchargé un film sur une plate-forme légale : 5 euros la location d’un long métrage de 90 minutes. Tout s’est fait automatiquement : la navigation dans le catalogue de films, l’achat (la plate-forme a stocké mon numéro de CB dans sa base), le téléchargement sur la tablette…

Sur ces 5 euros, je sais que la plate-forme va encaisser 30%. 1 euro 67 pour un processus sans la moindre intervention humaine.

Pas étonnant qu’Apple (puisque c’est de cette plate-forme qu’il s’agit) soit aujourd’hui la première capitalisation boursière au monde. Ils ont su exploiter un modèle économique hors pair.

Quant à moi, je vais pouvoir consommer mon divertissement en conserve (qu’est-ce d’autre qu’un film ?) et m’endormir repus de cette alimentation culturelle consommée par des millions d’autres que moi. Nous ne mangeons pas encore tous du même bœuf cloné à l’infini mais les biens culturels numériques, eux, permettent ce miracle.

Quant à Apple, 1,67 euro supplémentaire vient de tomber dans son escarcelle sans, pour ainsi dire, que mes congénères humains n’en tirent, eux, le moindre profit. Encore une fois, tout s’est fait par le truchement de machines.

Les machines, c’est bien plus pratique que les êtres humains, pour s’enrichir. En effet, un salarié travaille 7 à 8 heures par jour, soit à peine le tiers de sa journée. Et encore, pas tous les jours : à peine 5 jours sur 7. Sans compter les vacances, congés maladie, et j’en passe. Au final, si un salarié travaille pour son employeur un dixième de son temps dans l’année, c’est déjà beau. Le problème, c’est que le système économique doit subvenir à 100% du temps de vie du salarié.

Une machine, au contraire,  travaille 100% de son temps. Et elle est bien moins gourmande qu’un être humain, bien moins exigeante aussi en termes de variété de menus (électricité à tous les repas), bien moins revendicative, en fait.

Ah, s’il était possible de se passer complètement des êtres humains pour produire les biens et rendre les services ! Comme les multinationales “à la cool” comme Apple seraient contentes ! Car n’oublions pas qu’Apple, c’est cool.

Oui mais, il y a un petit souci : si cela arrivait, à quoi servirait finalement les 99% de la population mondiale qui, aujourd’hui, sont encore nécessaires à la vie économique ? Que se passera t-il quand les maîtres du monde économique pourront être servis complètement par des robots ?

Ne doutons pas que ces maîtres s’emploient à y parvenir. Les ingénieurs R&D (engeance encore malheureusement nécessaire, faute d’IA digne de ce nom) sont sur le pied de guerre. En attendant, continuons, nous, consommateurs béats et endormis, à bien nourrir les maîtres. Dans leur bonté, ils continuent à nous jeter notre pitance : mon téléchargement est terminé.

(mis à jour avec des corrections stylistiques mineures le 15 avril 2021)

Print Friendly, PDF & Email

2 réflexions sur « Bien nourrir les maîtres »

    1. Good question! I uploaded the image on April 15, 2021. I must have found it on the Internet. I have just made extensive reverse image search using various tools, but I am unable to source the origin of the image. It reminds of Andrew Martin in Asimov’s short story The Bicentennial man, but I’m not sure. Let me know if you find out!

Laisser un commentaire