Tous les articles par Jérôme Delacroix

Un concept original : un libraire à domicile

Libraire à domicileAprès la dématérialisation du livre, la dématérialisation des libraires ! La librairie Doucet, au Mans, a lancé libraireadomicile.fr. Vous cherchez une idée de livre pour un cadeau ? Vous avez besoin de références bibliographiques pour un mémoire ? Vous avez découvert une idée géniale dans un livre, un jour, mais vous ne vous souvenez que d’un mot du titre et de l’illustration de couverture ?

Libraireadomicile vous propose un formulaire dans lequel vous pouvez rentrer toutes ces informations : vous recevrez par mail une fiche bibliographique complète qui éclairera votre lanterne !

Publicité : retour gagnant

Deux campagnes publicitaires déclinent actuellement le même thème : celui du retour. C’est le cas tout d’abord de Carrefour, qui a renouvelé son slogan. Les trentenaires et au-delà se souviennent certainement du refrain “avec Carrefour je positive” des années 80. Eh bien 20 ans après, Carrefour nous annonce que “le positif est de retour”.

carrefour

Mais Carrefour n’est pas le seul à faire son grand retour. Le plaisir revient lui aussi, dixit Suchard :

suchard

Quelque chose de bon aurait-il disparu de nos vies pour que les marques surfent sur le besoin de le retrouver ? Doit-on s’attendrir devant la nostalgie sous-jacente à la campagne Carrefour, se réjouir du retour d’un paradis perdu ou se dire que ces campagnes s’adressent à une cible … sur le retour ?

Sur le même sujet :

Rocher Suchard ou le retour de la disruption

Nouveau slogan Carrefour : le positif est de retour

et un autre exemple de deux campagnes simultanées empruntant des approches communes :

Quand Google copie Europe 1 pour sa pub

La plaisanterie : le sentiment de la vie volée

La plaisanterie, de Kundera
La plaisanterie, de Kundera

J’ai terminé il y a quelque temps la Plaisanterie de Kundera. Parmi tous les angles de lecture du livre, il y en a un qui a particulièrement retenu mon attention. Ludvik était promis à un bel avenir universitaire et politique. Son implication dans sa section du Parti Communiste tchèque était forte, il était intégré. Un jour, tout a dérapé, à cause d’une blague qu’il a écrite sur une carte postale à propos des sessions de motivation à laquelle participait sa petite amie de l’époque. La blague était écrite en ces termes : “l’optimisme est l’opium du peuple ! Une atmosphère pleine de santé pue la stupidité ! Vive Trotsky !”

Selon Ludvik, il s’agissait juste d’une plaisanterie destinée à taquiner son amie Marketa qui prenait tout au premier degré. Malheureusement, ce défaut n’était pas propre à Marketa. La carte postale est tombée entre les mains des autorités communistes. Convoqué, Ludvik n’a pas réussi à convaincre ses accusateurs qu’il s’agissait seulement d’une plaisanterie. Il a été exclu de l’université, du Parti et condamné aux travaux forcés dans les rangs de l’armée, parmi les parias.

Ludvik s’est senti floué, dépossédé de sa vie, mis à l’écart du chemin tout tracé pour lui. Quand l’occasion s’est présentée, il a tenté de se venger de l’instigateur de sa disgrâce, Zemanek, sans grand succès. Il a raté sa vengeance comme il a eu le sentiment de rater sa vie.

Mis à l’écart de ses proches pour ce qu’il considérait être une bêtise insignifiante, il a vécu un véritable drame. Il a été excommunié des siens, condamné à un travail dur parmi des personnes qu’il avait tout a priori pour exécrer.

Il a ruminé une amertume pendant toute son existence et nourri une méfiance fondamentale à l’encontre des autres et de lui-même.

Aurait-il pu agir autrement ? Que se serait-il passé s’il avait regardé ce tournant dans sa vie non pas comme une rupture injuste et irrémédiable, un coup du sort, mais comme un élément constitutif de sa destinée ?

Quelle aurait été sa vie si Ludvik avait accepté sa situation, l’avait intégré, avait considéré cette amputation même d’une part de son existence comme une part de cette existence, sur laquelle construire ? S’il avait oublié qu’une vie tracée lui avait été prise, pour imaginer qu’il avait à tracer sa propre route à partir d’un nouveau point de départ ?

Des solutions techniques aux questions humaines ?

Le technophile que je suis est toujours frappé de constater la tentation qu’il y a de chercher des solutions techniques aux questions humaines.

Trop de temps d’attente dans les centres d’appels ? Qu’à cela ne tienne, développons les SVI, Serveurs Vocaux Interactifs, robots butés qui vous demandent de composer des combinaisons de touches avant de vous délivrer des informations au compte-gouttes.

Trop de grèves dans le métro ? Automatisons les lignes, comme la RATP est en train de le faire sur la ligne 1 à Paris.

Difficultés à rencontrer l’âme soeur ? Inventons la DAO, Drague Assistée par Ordinateur, dans les salons de chat et autres sites de rencontre.

C’est plus long et difficile d’apporter des réponses humaines aux questions humaines. On pourrait imaginer :

  • de réinventer une relation client avec des gens au bout du fil ou (soyons fous) des vendeurs dans des boutiques
  • de mettre l’accent sur un dialogue social responsable, tant du côté des Directions que des syndicats
  • de réinventer les relations hommes – femmes, forts de la double expérience de la tradition et de la libération des moeurs
  • Qu’en pensez-vous ? Trop low-tech ?

    La conquête de l’espace, victime de la crise ?

    D’après le New-York times, le président Obama a décidé de passer au peigne fin les dépenses prévues pour les programmes spatiaux américains. On peut citer notamment le projet Constellation, qui a en ligne de mire le retour de l’Amérique sur la Lune à l’horizon 2020. Une belle bataille semble s’annoncer puisque le Congrès, lors de l’adoption du budget 2010, a fait passer une clause selon laquelle aucune somme ne pourrait être consacrée à l’annulation ou à la modification de Constellation sans son accord.

    Alors, l’Amérique retournera t-elle ou non sur la Lune ? La Chine, elle, ne cache pas ses ambitions en la matière, avec un objectif fixé à 2020-2030.

    L’éternel débat sur l’utilité de la conquête spatiale est relancé : doit-on dépenser des sommes folles pour l’espace alors qu’il y a tant à faire sur la Terre ?

    Paradoxalement, ces hésitations concernant le retour sur la Lune pourrait servir les thèses de ceux qui soutiennent qu’il faut lancer dès maintenant un programme de conquête de Mars, sans passer par la case lunaire. C’est notamment le cas de Robert Zubrin, tenant d’un projet appelé Mars Direct, dans lequel une mission humaine pourrait partir, à moindre coût, vers la planète rouge, directement depuis la Terre.

    Y a t-il un progrès en amour ?

    Le paradoxe amoureux
    Le paradoxe amoureux

    Dans son essai, Le paradoxe amoureux, Pascal Bruckner dresse un panorama des péripéties de l’amour, dans le quotidien de nos vies et dans l’Histoire. L’une des thèses qui traverse le livre est qu’ « il n’y a pas de progrès en amour ». Mais est-ce si sûr ? Tout progrès est-il réellement hors de portée en amour, que ce soit dans notre vie quotidienne ou dans l’Histoire ?

    L’amour des années 1970 à nos jours : révolution ou statu quo ?

    L’auteur commence par évoquer ses souvenirs des années 1970, marquées par la libération des mœurs et le thème de l’ « amour libre ». Il s’agissait de faire sauter en éclat les anciens carcans, hérités d’une conception à la fois matrimoniale et patrimoniale de l’amour. Dans cette conception, le lieu de l’amour devait être le couple marié, même si cette position de principe était davantage animée par un souci de préservation d’intérêts financiers que par la flamme unissant deux êtres.

    L’amour libre devait débarrasser l’humanité de cette hypocrisie, en remettant au cœur des relations le sentiment et le corps.

    Quelques années plus tard, pourtant, on a retrouvé nombre des hérauts de cette nouvelle vision confortablement installés dans le mariage, se retournant à peine avec nostalgie sur leur jeunesse réformatrice.

    Le couple, l’institution du mariage, l’importance de la fidélité, l’attachement à la famille n’ont pas été emportés par le tourbillon de l’Histoire. On les retrouve, plus vivaces que jamais, en ce début de vingt-et-unième siècle.

    Est-ce à dire que tout est redevenu comme avant ? Loin s’en faut. La vie commune avant le mariage, le divorce, les naissances hors mariage, l’union libre, le PACS, se sont durablement ancrés dans les pratiques et dans les mœurs.

    Si le couple, le mariage, la fidélité et la famille sont toujours aussi importants, le contenu de ces mots a changé. C’est le sentiment d’amour qui, seul, aujourd’hui, les justifie et leur donne de la valeur.

    C’est ainsi que notre génération assemble de manière inédite des briques issues de la tradition et de nouvelles expressions sociales de l’amour, dans une recherche d’authenticité. Le couple, la famille, sont acceptés et même recherchés à condition d’être suffisamment souples pour s’adapter au temps qui passe, se réinventer, nourrir la vie au lieu de la figer.

    Les relations amoureuses d’aujourd’hui ne sont pas de longs fleuves tranquilles. Elles sont faites d’attachement, de tendresse, de sexualité, de fidélité, d’infidélité, de ruptures temporaires ou définitives, de conflits.

    La révolution des mœurs des années 1970 n’a pas tout bouleversé ; elle n’a pas non plus été un échec. Elle a ajouté une couche de complexité supplémentaire. Elle a libéré l’amour de ces anciennes entraves tout en mettant en lumière de nouveaux problèmes. « La liberté n’allège pas, elle alourdit », écrit Pascal Bruckner.

    Peut-on dire pour autant qu’il n’y a pas eu de progrès en amour ? Accordons-nous pour dire que le progrès est une amélioration, un changement en bien. Dire qu’il n’y a pas eu de progrès n’est vrai que si l’on assimile le bien au bien-être. Il n’est pas sûr que l’amour d’aujourd’hui soit plus heureux que celui de 1960. Mais il a assurément conquis des degrés de liberté, et c’est là un réel progrès.
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    Quand Google copie Europe 1 pour sa pub

    Depuis quelques jours, des affiches fleurissent dans le métro pour vanter les mérites du navigateur Chrome. Elles égrennent une série de chiffres, pour terminer par un lapidaire “1 navigateur”.

    chrome-affiche

    Ces affiches ne sont pas sans rappeler une autre campagne, démarrée plusieurs mois auparavant, celle d’Europe 1 :

    redimage.php

    Alors Google est ouvert…mais pas toujours très imaginatif !

    Génération Y ou comment on peut très bien être sociable et fan de World of Warcraft

    World of WarcraftQuand on est au milieu de la trentaine avec dix ans d’expérience professionnelle derrière soi, on n’est pas forcément encore un vieux con, mais on n’est plus non plus un jeunot. L’avantage de cette position équilibrée, c’est que l’on peut regarder ses aînés en se disant que, non, décidément, on ne sera jamais comme eux, et se pencher avec condescendance un regard plein de tendresse vers les stagiaires ou les jeunes embauchés.

    En ce qui me concerne, j’ai eu la semaine dernière une conversation passionnante avec un collègue de 23 ans qui m’a appris une foule de choses sur World of Warcraft. Il m’a expliqué comment on pouvait y jouer en mode RP (role play) et l’étiquette que cela imposait : pas d’allusion au monde réel du joueur, immersion totale dans l’ambiance, façon de s’exprimer médiévale, etc.

    Il m’a expliqué que lorque l’on joue à ce genre de jeu, on a une deuxième vie : on est quasi obligé de jouer tous les jours, sauf à perdre complètement le fil. Il a eu cette image édifiante : ne pas jouer tous les jours, c’est comme si dans la vie réelle, on ne vivait qu’un jour sur deux ; on ne comprendrait rien au monde. Pour un fan de Marcel Aymé tel que moi, cette phrase m’a immédiatement fait penser à la nouvelle “Le temps mort” où le pauvre Martin vit, justement, un jour sur deux.

    Il m’a confié également que, lorsqu’il était étudiant, il pouvait y jouer 5 à 6 heures par jour, le week-end.

    Pourquoi accrochait-il tant à cet univers ? Pour l’aspect communautaire. Il appréciait de retrouver sa “guilde”. C’est bien pour cela, selon lui, que les joueurs s’abonnent au service, bien plus que pour tuer des monstres.

    Or, ce collègue est l’un des plus sociables de la boîte. C.Q.F.D. : l’univers des mondes permanents n’est pas un repaire d’associaux ou de déséquilibrés. Il y en a sûrement, mais ils ne sont pas représentatifs du phénomène. Moi qui ne joue pas à ces jeux et ne les connaît, finalement, que par la presse, j’ai pu me rendre compte du fossé entre l’image d’Epinal véhiculée au sujet des gamers et le discours d’un gamer véritable qui existe et que j’ai rencontré.

    Surrogates (clones) ou la vie rêvée du corps

    Affiche du film "Clones" (Surrogates)
    Affiche du film “Clones” (Surrogates)

    Le 28 octobre 2009 est sorti sur les écrans français Surrogates (dont le titre a été maladroitement adapté en français par Clones), film tiré de la série de comic books éponyme. L’action se passe en 2017 (2054 dans les livres). Dans ce futur pas si lointain, les individus restent chez eux jour et nuit ; ils travaillent, s’amusent, passent du temps avec les autres par l’intermédiaire de robots humanoïdes qu’ils pilotent par la pensée. Un vaste marché s’est organisé autour de cette technologie, dominé par une seule entreprise. L’intrigue se concentre sur l’enquête menée par un détective, Harvey Greer, au sujet de la destruction en pleine ville de plusieurs « clones » à l’aide d’une arme spéciale. De manière incompréhensible, cette destruction s’est accompagnée de la mort simultanée de leur « opérateur» (leur propriétaire). Le fabricant des clones essaie d’étouffer l’affaire, l’un de ses arguments commerciaux étant de permettre aux acheteurs de ses machines de vivre une vie extraordinaire « dans le confort et la sécurité de leur domicile », c’est-à-dire sans aucun risque.

    Dans cette civilisation, les corps humains sont singulièrement absents : ce sont des machines qui se déplacent, se parlent, se touchent, font l’amour ensemble, téléguidées par leurs propriétaires à qui ils transmettent toutes leurs sensations. Pourtant, paradoxalement, il n’est question que du corps, qui brillant par son absence, en devient obsédant. Singulière vision du corps que celle que nous propose le film…Mais c’est bien celle qui se prépare dans les bureaux d’études et qui est en train d’être théorisée par tout un courant de pensée.

    Le corps, source de tous les risques

    En 2017, si les clones ont rencontré un tel engouement de la part des consommateurs, c’est en particulier parce qu’ils permettent de vivre « en toute sécurité ». A notre époque à nous, nous prenons des risques sitôt que nous mettons le nez dehors. Et si la solution était de ne plus sortir de chez soi ? Cela ne suffit pas car dès lors que l’on se lève, on est à la merci des faux pas de l’existence, le premier écueil étant de se lever du pied gauche ! Grâce aux clones, il n’est même plus besoin de se lever. Il suffit de rester allongé, des lunettes spéciales posées sur ses yeux fermés, pour voir tout ce que son clone voit, entendre et sentir tout ce qu’il entend et sent, et pour le contrôler. Dans cette conception, le corps est le maillon faible de la personne humaine, celui par lequel elle est vulnérable, la porte ouverte à tous les accidents, par laquelle la mort peut s’engouffrer à tout instant.

    Le corps, objet de toutes les précautions

    Parmi tous les avatars que peut prendre la personne (car rien n’empêche d’avoir plusieurs clones, comme on a plusieurs paires de chaussures), le corps est le plus vulnérable et en même temps le plus précieux. Il est le réceptacle de toutes les sensations transmises par les clones. Hors du corps, point de plaisir, même si les protagonistes du film vivent en permanence hors d’eux mêmes dans des machines. Le corps est donc un fardeau indispensable, dont on se passerait bien, mais que l’on entretien quand même a minima. C’est ce qu’illustre la scène dans laquelle Greer, allongé dans son fauteuil, pilote son clone pour lui apporter un verre d’eau.

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