Partager la publication "Les écrits restent, les paroles s’envolent…dans le Cloud"
On dit que les paroles s’envolent et que les écrits restent. Mais avec l’IA, la frontière entre l’oral et l’écrit s’estompe. Au point que, de plus en plus, les paroles, elles aussi, restent… sur un serveur quelque part dans le Cloud.
Aujourd’hui, les outils de transcription automatique rendent très facile la conversion des paroles en texte, avec les problèmes de confidentialité que cela implique. Des appareils portatifs comme Plaud Note ou FoCase Rec permettent d’enregistrer n’importe quelle réunion ou conversation, et d’en obtenir une transcription ou une synthèse rédigée par intelligence artificielle. Sans même avoir besoin d’un appareil, on peut utiliser des solutions 100% logicielles comme Noota ou tout simplement la fonction chatGPT Record directement intégrée dans chatGPT (pour les abonnements payants) et obtenir les mêmes résultats.
Ces solutions s’appliquent aussi bien à des réunions physiques qu’à des réunions virtuelles avec Zoom ou Teams par exemple, ou encore à des conversations téléphoniques. Elles peuvent aussi s’appliquer à des situations personnelles, éducatives ou associatives, que l’on pense aux réunions de parents d’élèves, au cours dans les amphithéâtres universitaires, aux assemblées de copropriété, etc.
Techniquement, les enregistrements sont envoyés sur des serveurs dans le Cloud, où des systèmes de reconnaissance de la parole et des grands modèles de langage (LLM) vont les traiter avant de renvoyer le résumé ou la retranscription à l’utilisateur.
Tout ceci est en passe d’entrer dans les mœurs, principalement dans la vie professionnelle. Pourtant, comme l’explique Doug Dawson dans Circle ID, cela crée une brèche manifeste dans la confidentialité et la sécurité de l’entreprise. Les fournisseurs de solution ont beau jurer leurs grands dieux qu’ils ne regardent pas les données de leurs clients et ne les utilisent pas pour entraîner leurs modèles d’IA, on est obligé de les croire sur parole. Quant à l’intelligence économique et l’espionnage industriel entre grandes puissances, on sait bien que ce sont des réalités.
Une fois que l’on a dit tout cela, cela ne veut pas dire que l’on doit nécessairement se priver de ces nouveaux services. Quand on sait à quel point rédiger un compte rendu de réunion est chronophage, et quand on pense à toutes ces réunions improductives parce qu’elles ne donnent lieu à aucun compte rendu, ce serait vraiment dommage. Mais des précautions s’imposent, ainsi qu’une certaine étiquette :
- ne pas recourir à des comptes rendus automatiques pour des réunions stratégiques ou lors desquelles des informations confidentielles sont partagées
- privilégier des solutions techniques locales. Par exemple, il est tout à fait possible de transcrire en texte une réunion avec un outil local comme Whisper, puis de demander à un LLM hébergé localement de rédiger un compte rendu exhaustif ou une synthèse. Pour obtenir un bon résultat, il est certes nécessaire d’avoir un ordinateur relativement puissant pour pouvoir utiliser un LLM performant, mais ces machines sont désormais à la portée des PME et même des TPE ; quant aux modèles à utiliser, ils sont en général open source et gratuits (par exemple Mistral ou Deepseek)
- toujours informer les participants et obtenir leur accord préalable avant l’enregistrement. Cette règle de politesse n’a pas attendu l’IA. C’est une courtoisie élémentaire, que pour ma part je pratiquais toujours lorsque j’étais journaliste ou rédacteur de livres blancs.
En fait, la génération automatique de comptes rendus par IA ne fait que fournir une occasion de plus de nous interroger sur notre rapport à la vie privée. A l’heure d’Internet et de l’IA, celle-ci est-elle devenue une illusion, comme l’affirmait en 1999 le PDG de Sun Microsystems, Scott McNealy : “You have zero privacy anyway. Get over it.” ? Ou n’est-ce pas plutôt à chacun d’entre nous d’imposer des limites et de la défendre ?
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