Archives de catégorie : livres

Contre le déclin, on n’a pas tout essayé !

Reprendre - Ni sang ni detteLe présent billet est une reprise de mon commentaire publié sur Amazon.fr à propos du récent ouvrage de Jean-Michel Truong, Reprendre – Ni sang ni dette
(Le No Man’s Land, mai 2013).

Dekoismelltill ? Un auteur de romans a t-il le droit d’écrire un essai économique ? A t-on le droit de penser et de partager ses propositions en dehors des « milieux autorisés » si bien moqués par Coluche ? Jean-Michel Truong apporte une réponse décapante à ces questions. Son essai est d’abord celui d’un amoureux de la France, qui a mal quand il la voit décliner. Et ce déclin, malheureusement, il le perçoit avec une grande acuité dans ses échanges avec ses partenaires internationaux, lui qui a vécu une vingtaine d’années en Chine. Mais il ne se résout pas au défaitisme et, fort de la puissance d’imagination du romancier, il ose proposer une idée originale pour sortir de la crise : remplacer l’ensemble des aides aux entreprises par un système de dot attribuée à chaque citoyen et associé à un système de droit de tirage sous forme de crédits pour les entreprises.
Cette idée originale est étayée par une argumentation solide et une documentation qui ne l’est pas moins. Les notes de bas de page sont une mine d’informations : des statistiques, mais aussi des références à d’autres oeuvres et des citations viennent conforter le raisonnement (on remarquera par exemple la citation sidérante tirée de La Guerre hors limites de Qiao Liang et Wang Xiangsui, au chapitre 7). Le tout est rédigé avec un style enlevé, à la fois simple, drôle, littéraire sans être pédant, et varié.
Bref, une livre réjouissant et stimulant, que nos politiques auraient grand profit à lire !

Dopé aux corticoïdes

Notice du médoc : « attention, ce produit peut produire un signalement positif en cas de contrôle anti-dopage. »

Tu m’étonnnes ! Deux jours que j’en prends pour un traitement d’attaque de ma rhinite allergique et mon sommeil a été considérablement réduit sans sensation de fatigue.

Idéal en période de bouclage d’un manuscrit. 

Mettre Sandoz dans les remerciements ?

Dream Factor

Imaginez… Vous êtes psychiatre, spécialiste international, incontesté, de l’interprétation des rêves. Votre carrière fait des envieux. Votre cabinet ne désemplit pas et vous êtes invité(e) sur les plateaux de télévision chaque semaine.  Les patients et les médias s’arrachent votre expérience. Et puis, soudain, un lourd secret risque d’être révélé. Car vous, de quoi rêvez-vous ? C’est la terrible et drolatique histoire du docteur Fabrice Zimmer.

Pour connaître la suite, je vous invite à découvrir ma nouvelle « Dream Factor » dans le recueil Histoires à lire dans une salle d’embarquement – 10 nouvelles, 10 auteurs – Pause-nouvelle t7 Faites de beaux rêves…

L’enfant et la rivière

L'enfant et la rivière d'Henri Bosco
L’enfant et la rivière

Un déménagement est l’occasion de retrouver des trésors oubliés. C’est ce qui vient de m’arriver à l’occasion de mon emménagement à Rueil. J’ai redécouvert un livre lu il y a plus de 25 ans, quand j’étais en 6ème : l’enfant et la rivière, d’Henri Bosco.

J’en avais gardé un souvenir mitigé : un vocabulaire des bêtes et des plantes de la campagne difficile à comprendre pour le petit urbain que j’étais, une certaine lenteur, des descriptions…Toutes choses en rendant l’appréhension difficile. D’une certaine façon, le livre me paraissait ennuyeux. Et pourtant… J’avais gardé aussi l’impression diffuse d’une poésie, d’une chaleur, qui fait que dans cet ennui j’avais rencontré du plaisir.

Vingt-cinq ans après, à la relecture, l’ennui a disparu. Je suis sans doute plus patient. Je redécouvre la poésie et la candeur, avec d’autant plus de plaisir que de l’eau a passé sous les ponts, c’est le cas de le dire. J’ai vu, j’ai senti, j’ai pensé, des choses bien moins candides en l’espace d’un quart de siècle. Et maintenant, en ce 21ème siècle hyper technologique, ultra citadin, cela fait du bien de retrouver une écriture qui prend son temps, qui donne toute sa place à la nature, aux relations humaines simples.

Je n’ai pas relu l’enfant et la rivière, j’ai redécouvert une réalité de moi-même que j’avais oubliée. Et cela fait du bien.

La technologie ou les hommes ?

"This was not called retirement..." (Blade Runner)
« This was not called retirement… » (Blade Runner)

La lecture du billet « Faut-il interdire les caisses automatiques des supermarchés ? » sur le blog de mon ami Laurent Pinsolle me donne l’occasion d’exposer sur ce blog des réflexions que j’avais en tête depuis un moment.

Laurent explique que le remplacement des caissières par des caisses automatiques détruit des emplois et que l’État devrait intervenir pour l’interdire ou le limiter.  Je ne développerai pas dans ce billet l’aspect politique du sujet mais m’intéresserai plutôt à la manière dont nous nous servons de la technologie.

Pour commencer, remarquons que si le progrès technique fait rêver et avancer l’humanité, son interdiction est aussi un fantasme récurrent, s’illustrant dans de multiples réalisations artistiques. Elle est le thème, par exemple, du roman de Barjavel Ravage. Dans ce roman, nous rappelle G.M. Loup sur Barjaweb, « l’innovation est interdite, et lorsqu’il viendra à l’un des habitants observant l’effet de la vapeur sur une marmite l’idée de se servir de la force de la vapeur, celui-ci poussé par la seule curiosité et l’innocente et même généreuse intention de soulager la peine de ses frères deviendra un criminel, qu’il faudra exécuter. » Pour prendre un deuxième exemple, dans Blade Runner, les « répliquants », êtres manufacturés à l’apparence humaine, sont interdits de séjour sur Terre.

Ce rapport d’attraction-répulsion à l’égard de la technologie est toujours à l’œuvre aujourd’hui. Côté attraction, les hommes sont fascinés par les possibilités que la technologie offre de réaliser le projet cartésien de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ». Côté répulsion, on peut se demander si nous ne sommes pas possédés nous-mêmes par la technologie.

La question de la possession est bien au cœur du sujet. Qui décide des grands chantiers technologiques ? Ce sont les plus puissants, et la puissance que l’on a sur les autres est largement liée, dans ce monde, à ce que l’on possède, que l’on soit un Etat ou un industriel. C’est donc sur les usages que font les puissants de la technologie qu’il faut s’arrêter.

Plusieurs options s’offrent à eux : utiliser la technologie pour permettre des choses qui étaient auparavant impossibles, et donc élargir l’horizon de l’humanité. C’est la technologie qui permet l’exploration de Mars, le traitement de maladies graves, l’exploration de torrents de données en une fraction de seconde, etc. Mais ils peuvent aussi utiliser la technologie pour augmenter leur richesse ou leur pouvoir, quitte à le faire au détriment du reste de la population. C’est ce qui se passe lorsque l’on remplace des caissières par des machines automatiques ; c’est aussi ce qui arrive lorsque l’on automatise une ligne de métro pour régler le problème des grèves en supprimant les grévistes potentiels. Paradoxalement, cette expression du pouvoir (technologique, financier) est aussi un aveu d’échec : faute de pouvoir régler un problème social récurrent, on cherche à apporter une réponse technique à un problème humain.

L’omniprésence de la technologie, qui peut prendre la forme du remplacement de la main d’oeuvre salariée par des machines, n’est donc que le reflet des aspirations de certains acteurs dominants de notre société. La solution de fond ne me semble donc pas de bannir telle ou telle technologie mais plutôt de travailler sur les cœurs, les motivations, la vision de la vie de nos contemporains. Cela passe par un rétablissement du dialogue entre les gens, par la remise au premier plan des valeurs humaines, par de l’organisation, du management… Toutes choses qui ne sont pas parfaitement maîtrisables, contrairement à des schémas techniques.

Deux semaines avec un Kindle Touch

 

Kindle Touch
Kindle Touch

Voici deux semaines que j’ai reçu mon Kindle Touch 3G. J’ai donc découvert une nouvelle façon de lire. Dans ce billet, je vais décrire, sans ordre particulier, les aspects positifs et les aspects négatifs qui m’ont le plus marqués.

 

Côté positif

  • Plus jamais seul face à mon livre

Un bon livre est une bonne compagnie. Mais avec Kindle, la lecture n’est plus solitaire. Au fil des pages, je découvre les passages surlignés par les autres et le nombre de personnes qui l’ont fait.

  • La bibliothèque ubiquitaire

Désormais, je peux lire mes livres sur mon Kindle Touch, mais aussi sur mon PC, sur mon téléphone Android, sur mon iPad…Je reprends ma lecture là où je l’ai laissée, et retrouve toutes mes notes et mes surlignements.

  • Le droit d’essayer avant d’acheter

Je peux naviguer dans la boutique Amazon et télécharger un extrait plutôt généreux du livre pour décider si je veux l’acheter ou non.

Côté négatif

  • Une lecture des magazines pas vraiment convaincante

Je me suis abonné à Business Week. Si le téléchargement automatique de chaque nouveau numéro est un vrai plus, la version Kindle est loin de contenir tout le contenu du magazine. Surtout, l’absence de photos et de couleurs se fait cruellement sentir.

  • Un bon confort de lecture mais pas parfait

Il est vrai que l’écran de la liseuse est moins fatigant pour les yeux que l’écran d’une tablette et a fortiori que celui d’un ordinateur. Toutefois, il reste plus fatigant que le papier. Par ailleurs, j’ai noté un effet de scintillement quand je lis à la lumière artificielle, par exemple dans le RER.

  • France ou Amérique : j’ai dû choisir

Le compte Kindle est associé à une boutique particulière : Amazon.com, Amazon.fr… Il est impossible d’acheter à la fois des livres sur la boutique française et sur la boutique américaine.

  • Belle mais pas sensuelle

Le rapport au Kindle n’est pas aussi physique que celui avec un livre : la liseuse n’a pas d’épaisseur, pas d’odeur. Adieu également les couleurs chatoyantes des couvertures, des jaquettes. Avec Kindle, tous vos livres se ressemblent.

Bilan

L’expérience Kindle est satisfaisante. L’outil est pratique et renouvelle l’exercice de la lecture. Il incite à lire davantage, ne serait-ce que pour amortir le prix de l’appareil (189 euros en version 3G) et en raison de l’intégration avec la boutique Amazon.

Cependant, malgré tous ses avantages, je pense que l’expérience liseuse ne me détournera pas du livre papier. Je continuerai probablement un certain temps à acheter mes livres en français au format papier ; j’achèterai plus de livres anglo-saxons grâce à la liseuse.

Livre électronique vs livre papier : pour ma part, le match continue !

Un concept original : un libraire à domicile

Libraire à domicileAprès la dématérialisation du livre, la dématérialisation des libraires ! La librairie Doucet, au Mans, a lancé libraireadomicile.fr. Vous cherchez une idée de livre pour un cadeau ? Vous avez besoin de références bibliographiques pour un mémoire ? Vous avez découvert une idée géniale dans un livre, un jour, mais vous ne vous souvenez que d’un mot du titre et de l’illustration de couverture ?

Libraireadomicile vous propose un formulaire dans lequel vous pouvez rentrer toutes ces informations : vous recevrez par mail une fiche bibliographique complète qui éclairera votre lanterne !

La plaisanterie : le sentiment de la vie volée

La plaisanterie, de Kundera
La plaisanterie, de Kundera

J’ai terminé il y a quelque temps la Plaisanterie de Kundera. Parmi tous les angles de lecture du livre, il y en a un qui a particulièrement retenu mon attention. Ludvik était promis à un bel avenir universitaire et politique. Son implication dans sa section du Parti Communiste tchèque était forte, il était intégré. Un jour, tout a dérapé, à cause d’une blague qu’il a écrite sur une carte postale à propos des sessions de motivation à laquelle participait sa petite amie de l’époque. La blague était écrite en ces termes : « l’optimisme est l’opium du peuple ! Une atmosphère pleine de santé pue la stupidité ! Vive Trotsky ! »

Selon Ludvik, il s’agissait juste d’une plaisanterie destinée à taquiner son amie Marketa qui prenait tout au premier degré. Malheureusement, ce défaut n’était pas propre à Marketa. La carte postale est tombée entre les mains des autorités communistes. Convoqué, Ludvik n’a pas réussi à convaincre ses accusateurs qu’il s’agissait seulement d’une plaisanterie. Il a été exclu de l’université, du Parti et condamné aux travaux forcés dans les rangs de l’armée, parmi les parias.

Ludvik s’est senti floué, dépossédé de sa vie, mis à l’écart du chemin tout tracé pour lui. Quand l’occasion s’est présentée, il a tenté de se venger de l’instigateur de sa disgrâce, Zemanek, sans grand succès. Il a raté sa vengeance comme il a eu le sentiment de rater sa vie.

Mis à l’écart de ses proches pour ce qu’il considérait être une bêtise insignifiante, il a vécu un véritable drame. Il a été excommunié des siens, condamné à un travail dur parmi des personnes qu’il avait tout a priori pour exécrer.

Il a ruminé une amertume pendant toute son existence et nourri une méfiance fondamentale à l’encontre des autres et de lui-même.

Aurait-il pu agir autrement ? Que se serait-il passé s’il avait regardé ce tournant dans sa vie non pas comme une rupture injuste et irrémédiable, un coup du sort, mais comme un élément constitutif de sa destinée ?

Quelle aurait été sa vie si Ludvik avait accepté sa situation, l’avait intégré, avait considéré cette amputation même d’une part de son existence comme une part de cette existence, sur laquelle construire ? S’il avait oublié qu’une vie tracée lui avait été prise, pour imaginer qu’il avait à tracer sa propre route à partir d’un nouveau point de départ ?

Y a t-il un progrès en amour ?

Le paradoxe amoureux
Le paradoxe amoureux

Dans son essai, Le paradoxe amoureux, Pascal Bruckner dresse un panorama des péripéties de l’amour, dans le quotidien de nos vies et dans l’Histoire. L’une des thèses qui traverse le livre est qu’ « il n’y a pas de progrès en amour ». Mais est-ce si sûr ? Tout progrès est-il réellement hors de portée en amour, que ce soit dans notre vie quotidienne ou dans l’Histoire ?

L’amour des années 1970 à nos jours : révolution ou statu quo ?

L’auteur commence par évoquer ses souvenirs des années 1970, marquées par la libération des mœurs et le thème de l’ « amour libre ». Il s’agissait de faire sauter en éclat les anciens carcans, hérités d’une conception à la fois matrimoniale et patrimoniale de l’amour. Dans cette conception, le lieu de l’amour devait être le couple marié, même si cette position de principe était davantage animée par un souci de préservation d’intérêts financiers que par la flamme unissant deux êtres.

L’amour libre devait débarrasser l’humanité de cette hypocrisie, en remettant au cœur des relations le sentiment et le corps.

Quelques années plus tard, pourtant, on a retrouvé nombre des hérauts de cette nouvelle vision confortablement installés dans le mariage, se retournant à peine avec nostalgie sur leur jeunesse réformatrice.

Le couple, l’institution du mariage, l’importance de la fidélité, l’attachement à la famille n’ont pas été emportés par le tourbillon de l’Histoire. On les retrouve, plus vivaces que jamais, en ce début de vingt-et-unième siècle.

Est-ce à dire que tout est redevenu comme avant ? Loin s’en faut. La vie commune avant le mariage, le divorce, les naissances hors mariage, l’union libre, le PACS, se sont durablement ancrés dans les pratiques et dans les mœurs.

Si le couple, le mariage, la fidélité et la famille sont toujours aussi importants, le contenu de ces mots a changé. C’est le sentiment d’amour qui, seul, aujourd’hui, les justifie et leur donne de la valeur.

C’est ainsi que notre génération assemble de manière inédite des briques issues de la tradition et de nouvelles expressions sociales de l’amour, dans une recherche d’authenticité. Le couple, la famille, sont acceptés et même recherchés à condition d’être suffisamment souples pour s’adapter au temps qui passe, se réinventer, nourrir la vie au lieu de la figer.

Les relations amoureuses d’aujourd’hui ne sont pas de longs fleuves tranquilles. Elles sont faites d’attachement, de tendresse, de sexualité, de fidélité, d’infidélité, de ruptures temporaires ou définitives, de conflits.

La révolution des mœurs des années 1970 n’a pas tout bouleversé ; elle n’a pas non plus été un échec. Elle a ajouté une couche de complexité supplémentaire. Elle a libéré l’amour de ces anciennes entraves tout en mettant en lumière de nouveaux problèmes. « La liberté n’allège pas, elle alourdit », écrit Pascal Bruckner.

Peut-on dire pour autant qu’il n’y a pas eu de progrès en amour ? Accordons-nous pour dire que le progrès est une amélioration, un changement en bien. Dire qu’il n’y a pas eu de progrès n’est vrai que si l’on assimile le bien au bien-être. Il n’est pas sûr que l’amour d’aujourd’hui soit plus heureux que celui de 1960. Mais il a assurément conquis des degrés de liberté, et c’est là un réel progrès.
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