Quand Google copie Europe 1 pour sa pub

Depuis quelques jours, des affiches fleurissent dans le métro pour vanter les mérites du navigateur Chrome. Elles égrennent une série de chiffres, pour terminer par un lapidaire “1 navigateur”.

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Ces affiches ne sont pas sans rappeler une autre campagne, démarrée plusieurs mois auparavant, celle d’Europe 1 :

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Alors Google est ouvert…mais pas toujours très imaginatif !

Génération Y ou comment on peut très bien être sociable et fan de World of Warcraft

World of WarcraftQuand on est au milieu de la trentaine avec dix ans d’expérience professionnelle derrière soi, on n’est pas forcément encore un vieux con, mais on n’est plus non plus un jeunot. L’avantage de cette position équilibrée, c’est que l’on peut regarder ses aînés en se disant que, non, décidément, on ne sera jamais comme eux, et se pencher avec condescendance un regard plein de tendresse vers les stagiaires ou les jeunes embauchés.

En ce qui me concerne, j’ai eu la semaine dernière une conversation passionnante avec un collègue de 23 ans qui m’a appris une foule de choses sur World of Warcraft. Il m’a expliqué comment on pouvait y jouer en mode RP (role play) et l’étiquette que cela imposait : pas d’allusion au monde réel du joueur, immersion totale dans l’ambiance, façon de s’exprimer médiévale, etc.

Il m’a expliqué que lorque l’on joue à ce genre de jeu, on a une deuxième vie : on est quasi obligé de jouer tous les jours, sauf à perdre complètement le fil. Il a eu cette image édifiante : ne pas jouer tous les jours, c’est comme si dans la vie réelle, on ne vivait qu’un jour sur deux ; on ne comprendrait rien au monde. Pour un fan de Marcel Aymé tel que moi, cette phrase m’a immédiatement fait penser à la nouvelle “Le temps mort” où le pauvre Martin vit, justement, un jour sur deux.

Il m’a confié également que, lorsqu’il était étudiant, il pouvait y jouer 5 à 6 heures par jour, le week-end.

Pourquoi accrochait-il tant à cet univers ? Pour l’aspect communautaire. Il appréciait de retrouver sa “guilde”. C’est bien pour cela, selon lui, que les joueurs s’abonnent au service, bien plus que pour tuer des monstres.

Or, ce collègue est l’un des plus sociables de la boîte. C.Q.F.D. : l’univers des mondes permanents n’est pas un repaire d’associaux ou de déséquilibrés. Il y en a sûrement, mais ils ne sont pas représentatifs du phénomène. Moi qui ne joue pas à ces jeux et ne les connaît, finalement, que par la presse, j’ai pu me rendre compte du fossé entre l’image d’Epinal véhiculée au sujet des gamers et le discours d’un gamer véritable qui existe et que j’ai rencontré.

Surrogates (clones) ou la vie rêvée du corps

Affiche du film "Clones" (Surrogates)
Affiche du film “Clones” (Surrogates)

Le 28 octobre 2009 est sorti sur les écrans français Surrogates (dont le titre a été maladroitement adapté en français par Clones), film tiré de la série de comic books éponyme. L’action se passe en 2017 (2054 dans les livres). Dans ce futur pas si lointain, les individus restent chez eux jour et nuit ; ils travaillent, s’amusent, passent du temps avec les autres par l’intermédiaire de robots humanoïdes qu’ils pilotent par la pensée. Un vaste marché s’est organisé autour de cette technologie, dominé par une seule entreprise. L’intrigue se concentre sur l’enquête menée par un détective, Harvey Greer, au sujet de la destruction en pleine ville de plusieurs « clones » à l’aide d’une arme spéciale. De manière incompréhensible, cette destruction s’est accompagnée de la mort simultanée de leur « opérateur» (leur propriétaire). Le fabricant des clones essaie d’étouffer l’affaire, l’un de ses arguments commerciaux étant de permettre aux acheteurs de ses machines de vivre une vie extraordinaire « dans le confort et la sécurité de leur domicile », c’est-à-dire sans aucun risque.

Dans cette civilisation, les corps humains sont singulièrement absents : ce sont des machines qui se déplacent, se parlent, se touchent, font l’amour ensemble, téléguidées par leurs propriétaires à qui ils transmettent toutes leurs sensations. Pourtant, paradoxalement, il n’est question que du corps, qui brillant par son absence, en devient obsédant. Singulière vision du corps que celle que nous propose le film…Mais c’est bien celle qui se prépare dans les bureaux d’études et qui est en train d’être théorisée par tout un courant de pensée.

Le corps, source de tous les risques

En 2017, si les clones ont rencontré un tel engouement de la part des consommateurs, c’est en particulier parce qu’ils permettent de vivre « en toute sécurité ». A notre époque à nous, nous prenons des risques sitôt que nous mettons le nez dehors. Et si la solution était de ne plus sortir de chez soi ? Cela ne suffit pas car dès lors que l’on se lève, on est à la merci des faux pas de l’existence, le premier écueil étant de se lever du pied gauche ! Grâce aux clones, il n’est même plus besoin de se lever. Il suffit de rester allongé, des lunettes spéciales posées sur ses yeux fermés, pour voir tout ce que son clone voit, entendre et sentir tout ce qu’il entend et sent, et pour le contrôler. Dans cette conception, le corps est le maillon faible de la personne humaine, celui par lequel elle est vulnérable, la porte ouverte à tous les accidents, par laquelle la mort peut s’engouffrer à tout instant.

Le corps, objet de toutes les précautions

Parmi tous les avatars que peut prendre la personne (car rien n’empêche d’avoir plusieurs clones, comme on a plusieurs paires de chaussures), le corps est le plus vulnérable et en même temps le plus précieux. Il est le réceptacle de toutes les sensations transmises par les clones. Hors du corps, point de plaisir, même si les protagonistes du film vivent en permanence hors d’eux mêmes dans des machines. Le corps est donc un fardeau indispensable, dont on se passerait bien, mais que l’on entretien quand même a minima. C’est ce qu’illustre la scène dans laquelle Greer, allongé dans son fauteuil, pilote son clone pour lui apporter un verre d’eau.

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Jeux d’enfants : l’arme secrète

Lors d’une promenade au parc avec mon fils, j’ai discuté avec un groupe d’enfants qui jouait là, avec un ballon. Je les ai questionné sur leur jeu, me demandant s’il s’agissait d’une nouvelle version de la balle au prisonnier. Comme j’ai quitté l’enfance depuis un moment déjà, et que d’un autre côté mon bébé sera bientôt un petit garçon qui jouera avec les autres, je suis curieux de savoir à quoi jouent les enfants d’aujourd’hui.

Une petite fille de 7 ans, à vue de nez, a pris la parole, c’était manifestement le chef du groupe.

“Nous jouons à l’arme secrète
– En quoi consiste ce jeu ?
– Il consiste à regarder les gens dans le parc et à essayer de deviner leur problème. Vous connaissez Secret Story ?
– Oui.
– Ben c’est la même chose. Tenez le Monsieur, là-bas, assis sur un banc. Il boude. Ben peut-être que son problème, c’est qu’il n’a pas d’enfant.
– C’est intéressant, mais pour savoir qui a gagné, comment pouvez-vous être sûr d’avoir trouvé le véritable problème des gens ?
– Ben, grâce à l’imagination, voyons. Nous avons quelque chose de vivant, là-haut dans le cerveau, il faut s’en servir.”

Cette conversation m’a montré plusieurs choses. La télévision a un impact sur les jeux des enfants, ce n’est pas nouveau, mais Secret Story est-elle une émission à regarder par de petits enfants ? J’ai été étonné aussi de voir que ces enfants, en voyant des individus assis dans un parc, pouvaient avoir l’intuition que chacun a une histoire, même s’il n’en laisse rien paraître. Et ces “larmes secrètes” de chacun les intéresse.

Mais au final, au-delà des armes et des larmes, le dernier mot revient à ce que nous avons là-haut, et dont nous devons apprendre à nous servir : l’imagination.

Technologies intellectuelles

En faisant des recherches sur l’intelligence artificielle, je suis tombé, par sérendipité, sur l’expression “technologies intellectuelles”, reprise par Nicholas Carr dans un récent article. Nicholas Carr indique que l’expression a été utilisée par le sociologue Daniel Bell pour désigner les outils que nous avons inventés pour augmenter nos capacités mentales. Parmi ces technologies viennent à l’esprit la lecture et son corollaire l’écriture, mais aussi le calcul. Des démarches comportementales visant à augmenter l’efficacité personnelle comme les techniques d’organisation, de communication  ou d’interaction dans des groupes en sont, à mon avis, d’autres exemples.

Sans entrer dans la distinction entre technologie et technique, on conçoit que ces pratiques doivent être apprises, peuvent devenir comme une “seconde nature”, mais ne sont pas instinctives. Elles ne sont pas inscrites naturellement dans notre développement cognitif, comme le langage. Nous ne sommes pas conçus génétiquement pour lire, compter, gérer le temps ou interagir de manière optimale dans des groupes.

Pourtant, si l’on prend l’exemple de l’écriture et de la lecture, on est fasciné par le fait que ces apprentissages deviennent si intimement liés à nous que nous les pratiquons comme naturellement.

Des technologies visant à augmenter l’efficacité comportementale, et pas seulement intellectuelle, ne pourraient-elles pas être aussi utilement enseignées, comme faisant partie de l’ABC de l’être humain en devenir, au même titre que la lecture et le calcul ?

Je pense qu’elles devraient faire partie de l’enseignement de base proposé à tous. L’étude d’ouvrages comme “Getting things done” (David Allen), The Evolution of cooperation (Robert Axelrod) ou How to win friends and influence people (Dale Carnegie) , seraient à mon avis au moins aussi profitable aux jeunes en formation que l’étude des racines carrées ou de la triangularisation des matrices…

Thérèse Raquin

Adaptation au cinéma de Thérèse Raquin par Marcel Carné
Adaptation au cinéma de Thérèse Raquin par Marcel Carné

La lecture de ce roman de Zola m’a frappé parce qu’il est construit comme une démonstration mathématique. Une jeune femme pleine de fougue mais contrariée dans ces élans par une éducation étouffante, mariée à un homme maladif et terne, rencontre un jour un homme sanguin, d’une sensualité brutale. Que va t-il se passer ? La jeune femme et celui qui apparaît au départ comme une brute épaisse deviennent amants ; leurs corps deviennent fous l’un de l’autre. La passion les enchaîne et les pousse au meurtre du mari.

Ils rêvaient de se marier ; mais le souvenir du crime va les hanter, poussant leur cerveau à la folie. Leur corps, marqué par un “remords physique” va endurer d’atroces souffrances. Finalement, ils vont se suicider, seule issue leur apparaissant à cet enfer sur terre.

Ce roman a défrayé la chronique. D’aucuns l’ont jugé immoral. Beaucoup ont critiqué l’absence totale de libre arbitre chez les héros. Pourtant, cette histoire est finalement très morale : le crime ne paie pas, les meurtriers endurent un calvaire. Leur remords a beau être purement physique, c’est quand même un remords. On n’est pas si loin finalement de la morale chrétienne dans ce roman où Dieu est absent.

Il est en revanche surprenant de voir que, paradoxalement, l’ouvrage ne traitant que du corps s’inscrit, par contrecoup, dans la plus pure logique dualiste séparant âme et corps. En rendant volontairement la première absente, Zola indique combien elle est de nature différente du corps. Dans Thérèse Raquin, l’âme brille littéralement par son absence.

En définitive, ce dualisme paradoxal est bien anachronique. Mais l’ouvrage est en revanche toujours d’actualité pour illustrer l’impact d’un milieu ou des circonstances sur la vie des individus.

Les gens

Je termine la lecture du dernier roman de Philippe Labro : “les gens”. J’aimerais vous livrer, sans ordre pré-établi, les impressions que m’a laissé cet ouvrage.

Le titre et la 4ème de couverture m’ont particulièrement attirés. La 4ème de couv’, reprise dans le livre parmi d’innombrables autres citations, est la suivante :

“Le sage doit rechercher le point de départ de tout désordre. Où ? Tout commence par le manque d’amour.”

Mo-tzu, philosophe chinois, 479-391 av. J.-C.

Je m’attendais à un ouvrage plein de sympathie pour nos contemporains, les inconnus que nous croisons au quotidien, nos proches. Labro exprime en effet beaucoup d’humanité et de sympathie pour les héros de son roman mais pas, comme je l’imaginais, pour des personnes à la vie ordinaire, des personnages du quotidien, des Monsieur et Madame Tout-le-Monde. En fait, le roman se passe pour l’essentiel dans la haute bourgeoisie californienne, la bobosphère parisienne et le microcosme audiovisuel. Sans doute Labro (que je ne connais pas) parle t-il des gens qu’il cotoie au travers de sa profession. Mais pour moi, ces catégories de la population ne sont pas représentatives “des gens”, mais justement de types socioculturels bien précis.

Il est vrai que le titre est un défi. “Les gens” existent-ils ? Comment parler d’une telle généralité ? Il y a bien deux passages où, en quelques pages, Labro décrit tout ce qui se passe en dehors de la dizaine de vie dans lesquelles il nous fait rentrer ; mais “les vrais gens” sont assez absents de ce livre.

D’autant plus absents que tous les protagonistes du roman ont de fortes personnalités. Tous excellent, dans leur registre. Ils font montre d’une grande détermination. Or, les gens (la plupart d’entre nous) ne sont pas des héros. Nous hésitons ; nous tergiversons ; nous changeons d’avis ; nous sommes forts et faibles à la fois. Les personnages de Labro ressemblent trop à des archétypes, des figures représentatives, bref sont trop parfaits pour être crédibles.

Sur le style, enfin, je trouve que Labro abuse des néologismes et des onomatopées. Je ne lui ferai pas le reproche d’abuser des citations, car il s’en explique lui-même, dans la bouche de l’un de ces personnages : les personnages que l’on cite ne sont pas des refuges, ce sont des rencontres.

Malgré tout, j’ai passé un agréable moment à la lecture de ce roman. L’intrigue est prenante, on s’attache aux personnages. Il y a un côté cinématographique (un soupçon de violence, un tantinet de sexe), de l’action. Les 450 pages du livre s’écoulent agréablement, mais sans plus.

De la mort d’une Levalloisienne au Caire aux caméras de surveillance à Paris

Le rapport, me direz-vous, entre le décès tragique d’une jeune fille de 17 ans au Caire et le plan visant à installer 1000 caméras de surveillance supplémentaire à Paris d’ici 2011 ?

Très simple : la violence des attentats, qui paraissait lointaine, prend une nouvelle acuité pour vous lorsque vous apprenez que quelqu’un, dans votre ville, a été touché. La prise de conscience se fait plus forte que la planète est petite et que la violence et la souffrance des uns peuvent vite devenir la souffrance des autres.

Alors pour lutter contre l’insécurité et les menaces terroristes, la mairie de Paris soutient le plan d’installation de caméras de télésurveillance, dans l’indifférence quasi générale. Mais jusqu’où sommes-nous prêts à laisser s’installer des atteintes possibles à notre liberté (atteintes possibles, pas avérées néanmoins) pour garantir notre sécurité ?

Il y a bien des collectifs qui se constituent pour dénoncer ce plan. Mais d’un autre côté, ces opposants, que proposent-ils pour assurer notre sécurité ?

Comment extirper les racines de la violence, seul moyen que nous ayons de pouvoir continuer à vivre en paix ?

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